La déduction des frais pour le logement du dirigeant d’entreprise : état des lieux

Il pourrait sembler logique pour une société de revendiquer la déduction totale ou partielle de l’achat ou de la construction d’un immeuble que son dirigeant occupe à titre privé, moyennant un avantage de toute nature.

Malheureusement ce n’est pas si simple.

Au travers des dernières jurisprudences nous vous proposons de retracer cette problématique de manière sporadique.

Auparavant, il suffisait de calculer l’avantage de toute nature forfaitaire (fixé par Arrêté Royal) afin qu’une société puisse déduire les frais liés à la construction, l’achat, la rénovation ou encore l’entretien de cet immeuble.

Aujourd’hui, le fisc remet de plus en plus en cause ce procédé par le biais de plusieurs théories (liste non exhaustive) :

  1. La mise à disposition du logement du dirigeant par la société, et de facto tous les frais engendrés, ne sont pas d’office assimilés à une rémunération. Si ce principe semble logique et acquis de plein droit, sachez que ce n’est plus le cas. Le dirigeant doit prouver que les dépenses supportées par la société l’ont été en vue d’acquérir ou de conserver des revenus professionnels imposables.

Revenons sur l’arrêt rendu par la Cours d’Appel de Gand le 17 octobre 2017. Une SPRL détenait un immeuble dans lequel était à la fois exercée une activité de médecine générale par son dirigeant (rez-de-chaussée) et qui était également occupé (étage) par ce même dirigeant au titre de logement.

Le fisc, conforté par la Cours d’Appel, refusa la déduction des frais liés à l’étage du bâtiment pour motif que la SPRL n’avait pas prouvé qu’elle avait accordé l’usage gratuit de l’étage en échange de prestations fournies par son gérant.

A contrario, si le gérant avait remplacé son avantage de toute nature par le paiement d’un loyer à sa société pour l’occupation de cet étage la conclusion aurait été différente. Le fait qu’un loyer soit payé permet d’affirmer que la déduction des frais liés à l’étage du bâtiment garantit le respect de l’article 49 du CIR92 (Code des Impôts sur le Revenu) à savoir que les frais supportés permettent d’acquérir ou de conserver un revenu professionnel imposable (dans notre exemple, le loyer payé par le dirigeant à sa société).

  • Les démembrements de propriété se retrouvent sous la loupe du fisc. Vous avez tout intérêt à être capable de prouver que cette opération n’a pas pour unique but de garantir le remembrement du droit dans le chef du dirigeant et ainsi augmenter la valeur de son patrimoine privé tout en ayant déduit les frais afférents à l’immeuble et ce, même si un avantage de toute nature a été imposé dans le chef du dirigeant.
  • A nouveau, la Cours d’Appel de Gand a rendu un avis favorable au fisc dans son Arrêt du 2 janvier 2018 selon lequel les frais inhérents à la partie privée de l’immeuble acquis par la société et occupé par son dirigeant, ne peuvent être déduits pour motif qu’un avantage de toute nature soit calculé. Le contribuable a tenté de se défendre en mentionnant que le siège social de sa société y était établi et que son objet social permettait de réaliser des opérations immobilières.

Selon la Cours de Gand cela implique qu’il doit exister un lien concret susceptible d’être démontré avec l’activité professionnelle effectivement exercée par la société. Après analyse, il apparaissait clairement que la société n’incorporait pas ou n’affectait pas à ses activités la partie utilisée par le gérant à des fins d’habitation.

À la suite d’un recours introduit par le contribuable, le Juge s’est rendu sur place pour visiter les lieux. La conclusion était claire : l’habitation n’était effectivement pas utilisée à des fins professionnelles (pas de bureau, de salle d’attente, etc.). Dès lors que le contribuable n’était pas en mesure de recevoir des clients chez lui, la société était incapable d’obtenir des revenus sérieux et rentables permettant la déduction des frais professionnels et des investissements initiaux.

  • Nous terminerons par un dernier Arrêt rendu à nouveau par la Cours d’Appel de Gand, le 3 décembre 2019, selon lequel le simple fait de revendiquer la déduction de la construction d’une habitation et des frais y afférents pour simple motif qu’ultérieurement la plus-value sur la revente de l’immeuble génèrera un revenu imposable n’est pas un motif sérieux.

Le fisc, à nouveau soutenu par la Cours, estime que rien ne garantit qu’une plus-value soit réalisée. La société pourrait très bien être transmise à des héritiers qui conserveraient le bien ou son dirigeant pourrait être amené à se séparer de son épouse, ayant pour conséquence que l’habitation soit dévaluée de 50% dans l’acte de divorce (dans le cadre d’une répartition 50/50).

Les cas à vous référer sont nombreux mais vous comprendrez aisément que la déduction partielle ou totale des frais liés à un immeuble occupé par son dirigeant n’est pas seulement conditionnée à la taxation d’un avantage de toute nature dans son chef mais nécessite aussi de démontrer une réalité économique et des circonstances probantes étroitement liées à l’exercice de l’activité économique.

Soyez donc extrêmement vigilants et consultez préalablement votre expert-comptable/fiscaliste avant d’envisager ce type d’opération.